Livres – Notre sélection d'avril 2022

Découvrez nos conseils de lecture !

Chaque mois, les professeurs de français d'Atelier24 sélectionnent quelques livres qu'ils ont particulièrement aimés. Il peut s'agir de nouveautés, de livres parus ces dernières années, ou bien de classiques que nous avons lus ou relus. En ce mois d'avril, nous avons choisi trois romans qui ont pour cadre le Japon. 

Les émois d'une jeune Européenne au sein d'une grande entreprise

La couverture de Stupeur et tremblements

Stupeur et tremblements 

Amélie Nothomb (1999)

Dans cette brillante satire, Amélie Nothomb nous plonge au sein d'un univers complexe et tout à fait impitoyable où déroger aux us et coutumes est perçu comme une faute grave. Cet univers, c'est celui d'une grande entreprise japonaise dans laquelle la narratrice, européenne, vient tout juste d'être embauchée. Là, les règles doivent être strictement suivies et il est impensable de sortir du rôle assigné à sa position hiérarchique. Pour la narratrice, la situation est a priori simple : « Dans la compagnie Yumimoto, j'étais aux ordres de tout le monde. »

Avec humour et précision, Amélie Nothomb décrit les maladresses de son héroïne, son incapacité à bien saisir les codes de conduite et à anticiper ou comprendre les attentes de ses supérieurs. Nous accompagnons sa chute inexorable dans ce monde kafkaïen où l'ordre établi broie l'individu.

La romancière belge Amélie Nothomb est l'un des auteurs les plus lus en France. Depuis ses débuts en 1992 avec Hygiène de l'assassin, elle publie avec succès un roman chaque année. Son travail a été couronné de nombreux prix. Stupeur et tremblements a ainsi reçu le Grand Prix de l'Académie française en 1999 et plus récemment Premier sang (2021) – consacré à son père – a obtenu le Prix Renaudot.


Le Livre de Poche. 186 pages – Le récit est factuel et les phrases sont relativement courtes. L'emploi du passé simple peut compliquer la lecture. Niveau B1. 

Partir loin, et renaître...

Couverture de La patience des traces

La patience des traces  

Jeanne Benameur (2022)

Simon est assis dans sa cuisine, seul. Il vient de ramasser les deux parties d'un vieux bol bleu. Une dans chaque main. 
Le bol est tombé sans qu'il s'en rende compte. Il lui a échappé des mains.
Maintenant il regarde par la fenêtre. Les deux moitiés ne pèsent pas le même poids.
On peut jouer toute une vie sur quelque chose de brisé. Il en sait quelque chose

Ainsi débute ce roman au titre énigmatique. Simon, psychanalyste, a décidé de mettre fin à ses consultations, de partir : « Les mots, ça suffit ! » Libre, il se demande qui le guérira lui. Pour soigner ou du moins comprendre ce qui en lui s'est brisé, ce qui est brisé, il part loin, au Japon. Il va passer quelques semaines dans une chambre d'hôtes tenue par un couple âgé dans une île paradisiaque au sud de l'archipel. À leur contact, au contact aussi d'une nature généreuse, aquatique, forte, il reprend le récit de sa propre vie et en revisite certains épisodes.

Jeanne Benameur est elle-même psychanalyste et son récit se nourrit de cette expérience : « Tant d'années pour accepter qu'au fond de toute clarté, l'opaque subsiste. » Elle sait marier, avec délicatesse et profondeur, l'intensité de la lutte face au monde et l'exploration de l'intime. La quête d'apaisement de Simon oscille entre psychologie, spiritualité et sensualité.

Ne pas comprendre la langue d'ici, ne pas pouvoir même la lire, sans doute est-ce là qu'est l'étrangeté la plus intime. [...] Retrouver l'état sauvage d'avant l'alphabet. Ce moment où la pensée sait, d'un savoir archaïque, qu'elle est du corps. Avant tout du corps.

Ses hôtes attentifs sont tels des passeurs. Ils l'initient à leurs rites tout en le laissant conduire et construire sa propre métamorphose. Un livre d'une beauté troublante et apaisante !


Actes Sud. 208 pages – Le texte en soi est simple, mais le récit progresse dans plusieurs directions, fait appel à plusieurs niveaux d'interprétation et comporte de nombreux retours en arrière. Ceci fait sa beauté, mais demande une compréhension précise de la langue française et une certaine habitude de la lecture. Niveau B2/C1. 

Émouvantes variations autour d'un couple affrontant la maladie d'Alzheimer

La couverture de Sémi

Sémi 

Aki Shimasaki (2021)

Difficile de ne pas retenir l'écrivaine montréalaise Aki Shimasaki dans cette sélection japonaise ! Nous avions présenté Suzuran dans une sélection précédente. Voici donc la suite de cette pentalogie, Sémi. Le récit est cette fois centré sur Fujiko et Tetsuo les parents d'Anzu. Fujiko est atteinte de la maladie d'Alzheimer et sur les conseils de leur fils le couple vient d'emménager dans une résidence spécialisée.

Un matin, Fujiko ne reconnaît plus son mari et croit qu'il s'agit de son fiancé. Le personnel médical encourage Tetsuo à entrer dans son jeu. Aki Shimasaki utilise ce point de départ pour créer une émouvante variation sur l'âge et le couple. De cette situation inédite, elle fait émerger plusieurs révélations qui bouleversent les certitudes de Tetsuo.

Le superflu est absent de l'écriture d'Aki Shimasaki. Elle observe ses personnages avec précision et ne nous livre que l'essentiel, ce qui fait sens. Actes, sentiments, impressions sont décrits en quelques mots, quelques phrases.

Le soleil frappe fort. J'ai oublié mon chapeau. J'entre dans le parc où nous avons nos habitudes. C'est là que nous passons tranquillement nos après-midi, moi lisant et elle crochetant.

[...] Fujiko sort du salon et je la suis. Elle marche lentement mais à un rythme assez régulier. Nous entrons dans l'un des ascenseurs, où elle appuie elle-même sur le bouton de notre étage. Je suis intrigué : elle ne me reconnaît plus comme son mari, mais elle se rappelle encore où elle habite. Comment son cerveau fonctionne-t-il ?

Ce style presque abrupt crée un rythme, une poésie assez unique. Aki Shimasaki nous permet d'entrer de façon très concrète dans le quotidien et l'intimité de ses personnages, mais elle sait aussi préserver leur mystère, comme dans cette histoire qui se joue du temps qui passe et de ce que notre mémoire en retient.

Aki Shimasaki est née au Japon et s'est installée au Canada au début des années 80. Ses courts romans sont regroupées en pentalogie. Sémi est le deuxième livre du quatrième cycle.   


Actes Sud. 160 pages – Les livres courts d'Aki Shimasaki peuvent être un bon choix pour commencer à lire en français en fin de niveau A2. 

Atelier24 est une école de langues basée à Oslo en Norvège et spécialisée dans l'enseignement du français. Nos cours en ligne attirent des élèves exigeants et curieux, habitant dans toute l'Europe. Ils aiment l'ambiance détractée de nos cours, la cordialité de nos professeurs, et apprécient surtout la très grande qualité des contenus et du suivi. Pour en savoir plus, visitez notre site norvégien ou notre site européen !